Pourquoi les femmes n'ont-elles pas de barbe ?

Une majorité de femme n’a en effet pas de barbe, même si toutes n’en sont pas exemptes. Les représentations du genre dans les sociétés humaines expliqueraient à elles seules, les différences de pilosité faciale entre hommes et femmes.

Une pilosité qui devrait être équilibrée

À l’intérieur des populations où les individus de sexe masculin sont poilus, une grande variabilité existe : une proportion non négligeable d’hommes européens est imberbe et bien des femmes ont de la barbe ! Le phénomène des « femmes à barbe » est bien connu ! Mais la plupart du temps, le phénomène reste caché, car dans les pays occidentaux les femmes qui développent du poil au menton s’épilent consciencieusement !

Pourquoi la plupart des femmes européennes voient-elles leurs poils en horreur et pourquoi bien des hommes adorent-ils arborer leurs poils faciaux ? Pourquoi les hommes qui n’ont pas ou peu de barbe se plaignent-ils ? Nous vivons dans une société qui oblige les individus à se différencier en fonction de leur appareil sexuel. C’est ce qu’on appelle le genre. Tous les éléments de l’apparence sont mobilisés dans cette entreprise. La glabreté est ainsi érigée en marqueur du « féminin » et la barbe en marqueur du « masculin ». Il s’agit de représentations extrêmement discriminatrices parce qu’elles ont un impact sur l’attirance érotique et le choix de partenaire.

L’absence significative de barbe chez les individus de sexe féminin dans l’espèce est un indice pour dire que la barbe n’est pas le produit de la sélection naturelle. Si c’était le cas, les femmes devraient avoir autant de barbe que les hommes ! Darwin pensait que la glabreté a été sélectionnée socialement par les populations trichophobes (qui n’aiment pas le poil) et contre-sélectionnée dans les populations qui se sont mises à valoriser le poil. Le problème c’est que, dans cette hypothèse aussi, les femmes devraient être aussi poilues que les hommes !

Le genre à la source d'une différence de pilosité

Bûcheron dans la fôret

Bûcheron en forêt

© Volodymyr - stock.adobe.com

Les représentations du genre permettent seules d’expliquer pourquoi un « dimorphisme pileux » a pu à l’origine, se développer dans les populations où les hommes sont aujourd’hui poilus. Si ne sont représentés comme attirants, chez les femmes, que les individus imberbes, et chez les hommes, que les individus développant de la barbe, cela peut effectivement, si les variations génétiques en donnent la possibilité, conduire à fabriquer des différences biologiques significatives au niveau d’une population.

Les femmes à barbe ne sont pas une aberration ! Les femmes des populations où les hommes sont poilus restent significativement plus poilues que les hommes des populations glabres. Cela s’appelle la corrélation génétique. Et si les femmes européennes se plaignent aujourd’hui d’être trop poilues, elles ne le doivent, selon l’hypothèse de Darwin, qu’à leur attirance pour les hommes poilus !

Article rédigé en 2015. Priscille Touraille, Chargée de Recherche au Muséum d’histoire naturelle (UMR 7206, Éco-anthropologie)

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